En juillet 2005, à l’occasion d’un séjour dans la Somme, j’avais découvert ce monument isolé érigé dans une clairière du bois de Cambron (à l’Est du village de Cahon)
Il rappelle à notre mémoire le sacrifice de trois résistants qui furent exécutés là en juillet 1944 après avoir été longuement torturés par la Gestapo.
Edmond BAUDERE 41 ans
Roger BAUDERE 22 ans
Turenne DELAPORTE 30 ans
Si je remets ce monument à l’honneur c’est qu’aujourd’hui la famille BAUDERE me fait cadeau du témoignage de l’aînée des enfants d’Edmond. Un témoignage qui nous éclaire sur les conditions dans lesquelles lui et son fils ont été arrêtés et, pour leurs proches, les conséquences tragiques de cette disparition.
Merci à Thérèse et à sa fille Dolores pour l’envoi et le partage de l’émouvant témoignage qui suit.
« Les martyrs du bois de Cambron »
Le 28 juillet 1944 au matin.
Nous habitions une ferme isolée, derrière l’habitation il y avait des pâtures et une ruelle. Dans cette ruelle ayant aperçu un homme, j’étais seule, j’avais 16ans, avec mes jeunes soeurs. Notre mère décédée depuis 9 mois,je suis partie dans le village avec ma soeur faire un tour.
Toujours le 28 juillet 1944, une personne monsieur H….. est venue à la maison, me demander si mon frère était là, j’ai répondu oui. Il se trouve dans sa chambre,voulez-vous que je l’appelle? Non.
Il sort de ses poches 2 révolvers, il les dépose sur la table. Tu lui diras, qu’il mène cela pour 2 heures moins le quart. Mon frère au moment de quitter la maison, me recommande de donner des vêtements à une personne qui était caché chez nous, quelqu’un va venir le chercher. Mon frère a pris les armes mis dans un sac est parti sur son vélo. et c’est là qu’il sait fait arrêter.
Un moment après,une moto monte la ruelle ce sont les allemands,la Gestapo. il me présente le laisser passer de mon frère me demandant s’il habitait bien la, j’ai répondu oui. Ils sont repartis, mais sont revenus. Ils nous ont fait sortir les bottes de pailles qui se trouvait dans les granges, ensuite à la cave ils ont remonté des petits sacs en jute contenant quelque chose.
Ils hurlent « terroriste, terroriste », puis dans une chambre un poste à galène, puis dans le grenier au dessus de la maison, ils ont découvert des boites avec des armes et des munitions. Ils ont fouillé partout, ils sont restés très tard. Notre père rentré de son travail. Les Allemands nous ont emmenés dans un chemin de terre, ils nous ont conduit dans le village voisin ou se trouve la Kommandatur.
Ils nous ont fait rentrer dans une pièce, ils ouvrent un placard ou mon frère était enfermé, il avait les bras derrière le dos. Mon père, ma soeur et moi étions enfermés dans une grange.
Le lendemain, ils nous emmènent pour nous interroger dans une pièce, mon frère était dans l’autre pièce. Un Allemand faisait tourner une cravache, il avançait pour battre mon frère. Je suis restée jusqu’au 31 juillet dans cette grange. Un allemand vient pour nous dire de partir, il me dit nous allons emmener ta soeur dans une chambre, tu iras chez toi pour lui apporter du linge, nous serons sur la place pour t’attendre.
Mais les rues du village étaient gardées. Un jeune allemand ma reconnue, il m’a dit ou vas-tu, je lui ai répondu chez moi, il me dit non , ne vas pas chez toi, il te faut une voiture m’attend sur la place.
Moi libérée, je n’avais plus de domicile, mes frères et soeurs n’étaient plus là. Je suis allée chez une compagne d’école qui m’ont accueillie trois semaines jusqu’à la fin de la libération.
Le soir de la libération, un homme arrive chez ces personnes, il avait un révolver, il met son arme sous mon nez. Je dois le suivre, une voiture attendait c’était une traction. Ils avaient récupéré ma soeur aussi et une autre personne, ils nous ont conduit a la prison d’ABBEVILLE.
Mais avant de nous mettre en prison, ils nous ont rentré dans une grande cour et ils nous ont dit, on va vous couper vos cheveux et faire une croix gammée sur la tête parce qu’ils nous soupçonnaient de dénonciation. c était les FFI ou des résistants. ils venaient nous interroger à la prison pour nous demander si on avait caché de l’argent, je n’étais pas au courant de rien.
Il voulait savoir si j’avais un amoureux, je leur ai dit que non. Sur le palier il me disait des mots grossiers « salope, saloperie ce n’est pas un coeur que tu as, c’est une pierre ».
D’autres personnes, peut-être du palais de justice m’interroger dans une chapelle. Un jour, un résistant vient me faire sortir sur le palier, et toujours avec la même éducation ce jour là, il me dit c’est toi qui a fait fusiller ton père et ton frère. Je n ose pas ajouter ce qu’il ma dit , c’est pas 12 ou 13 balles c’est 14 balles que tu vas avoir dans ta peau.
Notre mère est décédée le 23 octobre 1943. En 1942, ma mère a décidée que je resterais auprès d’elle pour s’occuper de mes frères et soeurs.
Après cette libération de la sortie de prison d’ABBEVILLE. Je ne connaissais pas cette ville, de fil en aiguille, je trouve la gare. Je me retrouve sur le faubourg de Rouvroy, je rencontre, ma petite soeur de 3 ans qui revenait de l’école. Je m’adresse à ma cousine qui s’occuper de ma petite soeur, elle me demande « où tu vas », je réponds je ne sais pas, son mari pris son vélo pour me déposer sur une route déserte, il m’abandonne sur cette route où j’avais une tante qui habitait au village voisin. Mes jeunes frères et soeurs ont été dispersés.
C’est là que j’ai appris que mon père et mon frère ont été retrouvés et enterrés avec notre mère au village de MIANNAY dans la Somme. «
La petite-fille de Edmond Baudere m’a apprit que sa tante a passé 18 mois en prison et que, depuis ces tragiques évènements, elle est dépressive et pense toujours qu’on va la tuer….