Lu dans le « Journal de Rouen » de septembre 1915.
Le cas d’un forçat patriote
Le 9 août dernier, des agents de la sûreté amenaient, à la prison de la Santé à Paris, un caporal du 14e Territorial, encore mal remis des ses blessures. Cet homme [X…]né à Paris, appartenait à une famille fort honorable. Il avait bravement combattu dans les tranchées. Mais son passé était lourd de condamnations et même il était sous le coup de la peine terrible de la relégation…Il s’était évadé du bagne il y a quelques vingt ans. Depuis lors il vivait en paix au Vénézuela. Il y exerçait le métier de commissaire en café et jouissait de la considération générale.
A la déclaration de guerre, il s’embarqua de suite pour la France. Dès son arrivée, grâce à d’excellents certificats, il réussit à contracter un engagement.
Envoyé sur le front, il s’y battait depuis huit mois quand, lors des combats en Artois, il fut blessé. Évacué sur Auray, il regagna, après guérison, son dépôt et fut dirigé sur Boulogne.
Il était sur le point de repartir pour la ligne de feu, quand la police – à la suite d’une dénonciation anonyme – se mit à sa recherche et l’appréhenda. Il fut conduit à Paris et réincarcéré.
Avant hier matin, le malheureux a été dirigé sur le dépôt des prisonniers de la Rochelle, d’où partent, on le sait, les convois pour la Guyane.
En vain, en effet, il a demandé à être renvoyé sur le front. Cette faveur lui a été refusée. Dura Lex, sed lex. Le forçat patriote ne pourra donc trouver, au champ d’honneur, la réhabilitation suprême qu’il espérait.
(Source : Archives départementales de Seine-Maritime)